Si on devait établir une petite anthologie des romans et récits consacrés à la piraterie, on citerait bien entendu L'Île au Trésor de Stevenson ; Le Livre des pirates par Howard Pyle, les Cahiers de Le Golif, dit Borgnefesse, capitaine de la flibuste (qui apparaissent comme des mémoires authentiques) ; Aventuriers et boucaniers d'Amérique qui sont les mémoires du chirurgien de marine Alexandre Œxmelin. Mais aussi et surtout À bord de l’Étoile Matutine, car à la truculence sinistre classique dans ce genre de récits, Mac Orlan ajoute son incomparable touche de fantastique. Dans une note en fin de récit, il laisse entendre que les mémoires d'Œxmelin l'ont inspiré tout comme La Vie des Pirates anglais du capitaine Charles Johnson. Il évoque aussi les écrits de Marcel Schwob.
Mais cela n'enlève rien au talent du romancier à qui on doit aussi, toujours dans le registre des pirates, Les Clients du Bon chien jaune. D'autant plus qu'en se documentant auprès de si bonnes sources, il crée des personnages parfaitement crédibles embarqués sur des navires quasi véridiques : le fringant schooner Étoile Matutine est une de ces goélettes comme on les gréait au début du XVIIIe siècle. Le brick Ange du Léon et le brigantin Rose-Marie sont aussi des navires couramment armés par les flibustiers de cette époque.
Pierre Mac Orlan prend d'ailleurs un soin discret mais méticuleux à inscrire son roman dans un cadre historique précis. L'évocation de l'avènement du roi George II en Angleterre nous permet ainsi de situer l'action vers 1727. On notera de plus que certains lieux de Brest - l'auberge du Brûlot Fournier - serviront à nouveau plus tard, dans L'Ancre de miséricorde.
Dominique Le Brun (In: Mac Orlan, Romans maritimes, Ed. Omnibus)